Archives audio du séminaire de recherche du CSI – Maintenir/soutenir : de la fragilité comme mode d’existence (2017-2019)

Séminaire de recherche organisé par Jérôme DenisAnne-Sophie Haeringer, Antoine Hennion et David Pontille

Ce séminaire ouvert s’est tenu une fois par mois de Décembre 2017 à Juillet 2019. Les enregistrements des séances qui ont eu lieu au cours de ces deux années sont accessibles ici, ainsi qu’une bibliographie indicative.

Le séminaire partait d’un constat : la prolifération actuelle de recherches qui traitent du soin, du care, de l’attention. Elles portent sur le climat ou sur Gaïa, sur l’art de réparer les objets ou de conserver des œuvres, sur la maintenance des réseaux techniques, ou encore sur les bonnes façons de considérer les personnes vulnérables ou les exclus. L’un des critères du succès de notre entreprise sera d’avoir trouvé des passages féconds – plus étroits, mieux tissés, singuliers, à frayer en situation – entre les recherches plus empiriques et les approches spéculatives plus thématisées qui se forgent un peu partout sur la question : réflexions sur ce que cela implique, sur les plans philosophique, critique, politique, de soutenir ces entités fragiles, et de participer ainsi à la curieuse augmentation croisée de l’existence de chacun que ces relations portent.

Au delà de leur variété et du caractère souvent impérieux de l’engagement qu’ils exigent, ces travaux nous semblent en effet témoigner, vis-à-vis de la fragilité du monde, des êtres et des choses, d’une inquiétude et d’un souci aux accents et aux visées inédits. Des êtres ou des états à la fois en voie de disparition et de constitution : ce peut être la définition provisoire de la fragilité ou de la précarité que nous nous donnons. Non pas un trait propre à certains, donc, mais une façon partagée de saisir des états ouverts, souvent durs mais riches de possibles ; non pas une définition par défaut, mais une forme d’attention qui rende sensible à ces appels.

En accompagnant plutôt qu’en observant les réalités en cause, ces chercheurs mobilisent une large palette de ressources issues de traditions diverses : bien au delà d’une exigence de participation, se préoccuper de l’état du monde tout en se fondant sur des enquêtes empiriques rigoureuses ne va pas sans une remise en cause de la nature même de la recherche, qu’il s’agisse des modes d’enquête, de la relation à établir aux acteurs, aux objets et aux milieux, du statut des textes et des actes produits, ou encore, de la frontière avec des réflexions et des gestes provenant d’autres disciplines, de philosophes, d’écrivains, d’artistes ou d’activistes.

Profitant de cet élan dont nous sommes partie prenante, dans le fil de la reprise du pragmatisme, des philosophies de la différence ou des anthropologies pluralistes, le séminaire vise à mieux connaître ces recherches d’un nouveau genre. En les discutant et en les mettant en relation, éventuellement de façon paradoxale, autour du thème de la fragilité, l’objectif est de détailler les formes d’enquête, d’écriture et d’action que ces travaux tout à la fois requièrent et permettent de réinventer, tout en reformulant ensemble les concepts qui conviennent à un tel propos.

                                                                                                          A lire à propos du séminaire :

Antoine Hennion, “Maintenir/soutenir : de la fragilité comme mode d’existence”, Séminaire de recherche du Centre de sociologie de l’innovation (CSI), 2017-2019. Pragmata 2019-2, 484-500. [numéro accessible en ligne]

Saison 2017-2018

Séminaire de recherche organisé par Jérôme Denis, Antoine Hennion et David Pontille

19 décembre 2017 : Fragilité : introduction du séminaire par ses organisateurs

Introduction
Jérôme Denis et David Pontille
Antoine Hennion
Discussion

23 janvier 2018 : Didier Debaise, Le récit des êtres précaires. Héritages du pragmatisme

Professeur à l’Université Libre de Bruxelles, membre du GECo (Groupe d’études constructivistes), Didier Debaise, qui a notamment travaillé sur Tarde, James, et surtout Whitehead, a récemment publié L’appât des possibles, Presses du réel.

Enregistrement de la séance

6 mars : Marielle Macé, La vie qualifiée

Historienne de la littérature et essayiste, Marielle Macé a notamment travaillé sur le style et les formes de vie. Elle a récemment publié chez Verdier un beau livre sur les migrants, Sidérer, considérer. Migrants en France, 2017.

Enregistrement de la séance

20 mars : Alexei Yurchak, Laboratory for the Future: Lenin’s body between biochemistry and art

Alexei Yurchak est Associate Professor au département d’anthropologie de l’UC Berkeley. Son livre Everything Was Forever Until It Was No More. The Last Soviet Generation (Princeton University Press) a remporté le prix Wayne Vucinic Book Award du meilleur livre de l’année décerné par l’American Society for Eastern European, Eurasian and Slavic Studies.

Enregistrement de la séance

22 mai : Anne-Sophie Haeringer, La fin de vie comme art de ménager d’innombrables passages

Anne-Sophie Haeringer est sociologue, chargée de recherche au sein de l’équipe Politique de la connaissance du Centre Max Weber (UMR 5283) et chercheure associée de l’équipe CRESSON du laboratoire Ambiances, architectures, urbanités (UMR 1563). Inscrits dans une perspective pragmatiste, ses travaux s’intéressent à l’existence incertaine ou débordante des êtres en train de se faire, et aux modalités d’attention, de soutien ou d’accompagnement que requièrent ces êtres : pratique des conteurs contemporains,  mobilisations de collectifs d’habitants contre des projets de rénovation urbaine, ou accompagnement en fin de vie.

Enregistrement de la séance

5 juin [séance annulée – la venue de Fernando Domìnguez Rubio est reportée à la saison prochaine]

26 juin : Tim Edensor, Maintaining, Restoring, Neglecting and Disposing: the changing values of Melbourne’s building stone

Tim Edensor enseigne la géographie culturelle à la Manchester Metropolitan University. Ses recherches portent sur l’identité nationale, le tourisme, les ruines et la matérialité urbaine (il a notamment étudié les pratiques de restauration du patrimoine architectural), et plus récemment les mobilités et les paysages d’illumination et d’obscurité. Son livre From Light to Dark: Daylight, Illumination and Gloom a été publié en 2017 par les Minnesota University Press.

Enregistrement de la séance

Saison 2018-2019

17 octobre 2018 :  Reprise du séminaire. Antoine Hennion, Faire l’expérience de ce qui se passe. La question des migrants comme redéfinition du politique

Directeur de recherche au CSI, Mines-ParisTech, Antoine Hennion est l’un des organisateurs du séminaire. Il fera part du travail mené avec le PEROU (Pôle d’exploration des ressources urbaines) sur les migrants dans la « New Jungle » à Calais et à La Chapelle à Paris. Antoine Hennion a travaillé sur la musique et les amateurs, sur la médiation et les attachements, et sur la réorientation de l’enquête sociale à partir des relectures actuelles du pragmatisme.

Enregistrement de la séance

7 novembre 2018 : Nicolas Prignot, Benedikte Zitouni et Livia Cahn, Comment décrire et faire importer un territoire fragilisé : les potagers à Bruxelles

Nicolas Prignot, Benedikte Zitouni et Livia Cahn font partie des fondateurs du groupe de recherche « Écologies de Bruxelles » (hébergé par l’Université Libre de Bruxelles et par l’Université Saint-Louis Bruxelles), qui ­travaille sur les questions écologiques et les récits que l’on peut en faire. Ils sont co-auteurs avec Chloé Deligne, Noémie Pons-Rotbardt et Alexis Zimmer du livre Terres des villes. Enquêtes potagères de Bruxelles aux premières saisons du 21e siècle publié en 2018 aux Editions de l’Eclat.

Enregistrement de la séance

5 décembre 2018 : Sophie Houdart, De bout en bout. Ce qui change à considérer Fukushima comme un milieu fragile plutôt que comme un territoire contaminé

Sophie Houdart est directrice de recherche au CNRS et membre du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC, UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre). Ses principaux intérêts de recherche sont les modes de construction et pratiques locales de la modernité au Japon et le thème de la création et de l’innovation. Ses recherches actuelles portent sur les mesures de l’air et des sols au moyen desquelles des populations, parfois éloignées de Fukushima, expertisent, pour leur propre compte, la teneur en radioactivité de leur environnement.

Enregistrement de la séance

23 janvier 2019 : Emmanuel Bonnet, Diego Landivar, Alexandre Monnin, Cyprien Tasset, Sociologie pragmatiste et effondrement : prendre soin des mondes en train de se dé-faire

À l’heure où le développement industriel menace l’habitabilité de la Terre, voire où cela peut conduire à un « effondrement », les démarches de recherche ont besoin d’être radicalement repensées. C’est l’objet des enquêtes menées par Origens. La question n’est plus seulement, dans une perspective pragmatiste, de composer le foisonnement pluraliste de mondes en expansion : il faut désormais apprendre à prendre soin de mondes en train de se défaire. Le séminaire revient sur ces questions à partir d’enquêtes approfondies menées par Origens sur des terrains divers : auprès d’agriculteurs et de paysans, de communautés indigènes ou d’organisations « modernes » comme les entreprises, les regroupements d’artistes ou sur des terrains numériques.

Emmanuel Bonnet, enseignant-chercheur en sciences de gestion au Groupe ESC Clermont et CRCGM (Centre de Recherche Clermontois en Gestion et Management). Diego Landivar, professeur d’économie au Groupe ESC Clermont et CERDI-CNRS-Université Clermont Auvergne. Alexandre Monnin, philosophe, directeur de recherche d’Origens Medialab, professeur à l’ESC Clermont, et président de l’association Adrastia. Cyprien Tasset, sociologue, chercheur associé au LCSP (Laboratoire du changement social et politique) à l’université Paris 7-Diderot. Voir une présentation d’Origens Media Lab.

Enregistrement de la séance

20 février 2019 : Valérie Pihet, L’expérience de l’accompagnement des maladies chroniques à l’épreuve de l’auto-évaluation

Valérie Pihet développe une activité de recherche et d’expérimentation au croisement des arts et des sciences humaines. Avec l’écrivain Émilie Hermant, elle a fondé l’association Dingdingdong – Institut de coproduction de savoir sur la maladie de Huntington. Collaboratrice de Bruno Latour de 2002 à 2014, elle a coordonné ses expositions au ZKM à Karlsruhe (Iconoclash 2002, Making Things Public 2005), puis fondé avec lui le programme d’expérimentation en arts et politique (SPEAP) et le médialab à Sciences Po.

Enregistrement de la séance

20 mars 2019 : Fernando Domìnguez Rubio, The fragile object of art: An ecological investigation into the arts of care, meaning, and imagination

Fernando Domìnguez Rubio est Professeur assistant dans le Department of Communication, de l’université de Californie, San Diego. Ses recherches prennent place au croisement de la sociologie, des science and technology studies, de l’anthropologie et de l’art. Il enquête depuis plusieurs années sur les pratiques de maintenance et les « écologies du care », en particulier dans le domaine l’art. Son livre Art and the Ecologies of the Modern Imagination, consacré aux différentes manières dont les œuvres sont préservées au MoMA de New York sort prochainement aux University of Chicago Press

Enregistrement de la séance

17 avril 2019 : Vololona Rabeharisoa et Florence Paterson, Maintenir une infrastructure en droit. Le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques

Vololona Rabeharisoa et Florence Paterson ont mené une enquête sur le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), infrastructure au service de la police et de la justice. Elles se sont intéressées au travail du comité technique du FNAEG pour maintenir la légalité et la juridicité des objets et des opérations relatives à cette infrastructure. En suivant les discussions autour d’un de ces objets – les scellés biologiques – elles montrent qu’au cœur de ce travail se trouve un enjeu majeur : l’équilibre fragile du pouvoir régalien entre nécessité et ingérence inacceptable dans la vie des individus.

22 mai 2019 : Tiziana Beltrame, Du paradoxe du fer et d’autres histoires matérielles au musée : une aile d’avion SPAD entre vie d’usage et patrimoine

Tiziana Nicoletta Beltrame est post doctorante IFRIS en anthropologie, affiliée au Centre Alexandre Koyré. Ses recherches portent sur les pratiques documentaires, d’archivage et de conservation des collections muséales qui mobilisent technologies et sciences de laboratoire. Elle s’intéresse à une approche écologique du patrimoine qui considère les objets indissociables des dispositifs sociotechniques, des outils et des gestes des professionnels qui les manient et des espaces qui les conservent, qu’ils soient physiques ou numériques et qui s’interpénètrent. Dans ses recherches, l’entrée par la fragilité des collections a fait émerger les rôles, les valeurs et les enjeux politiques de la préservation dans les mises en ordre du monde, l’articulation des savoirs et de leurs temporalités. Elle est co-responsable scientifique du projet “Les réserves des musées de la Ville de Paris, Enquêtes sur les infrastructures de la conservation de l’art et du patrimoine” (projet du programme Émergence(s), Cerlis, 2019-2021) et participe à l’atelier expérimental d’écriture Créalab.

12 juin 2019 : Myriam Winance, Et si les êtres fragiles étaient des êtres résistants ? Hypothèses autour des enfants polyhandicapés

Myriam Winance est sociologue à l’INSERM (Institut National de la santé et de la Recherche Médicale). Elle est rattachée au CERMES3 (Centre de Recherche, Médecine, Sciences, Santé, Santé mentale, Société). Dans ses recherches, elle s’intéresse à la manière dont la notion de handicap est définie, dans notre société, à travers d’une part les politiques et dispositifs institutionnels, et d’autre part, les pratiques et l’expérience des personnes. Ses travaux s’inscrivent à l’articulation d’une socio-histoire politique du handicap, de la sociologie de la santé et de la sociologie des sciences et des techniques. Ils interrogent les notions de care, de personne, de corps, de handicap. Actuellement, elle mène une enquête qui articule l’histoire des catégories politiques désignant les enfants atteints de déficiences multiples et des histoires de familles dont l’un des enfants est polyhandicapé. À partir de cette double enquête, elle décrit les différentes dimensions et formes du « travail de soin », au quotidien, pour s’occuper de ces enfants, interagir avec eux, les faire grandir… et corrélativement, la manière dont, dans ce travail, les personnes se qualifient et sont qualifiées –ou sont disqualifiées–, en tant que parents/enfant, enfant/enfant polyhandicapé, enfant/ enfant différent, etc.

Enregistrement de la séance

3 juillet 2019 : Antoine Hennion, Anne-Sophie Haeringer, David Pontille et Jérôme Denis : Reprises. Cette séance de clôture a réuni les organisateurs du séminaire (et n’était pas publique).

Bibliographie indicative

Citton, Y. (2014). Pour une écologie de l’attention. Paris: Le Seuil.

Coccia, E. (2010). La Vie sensible. Paris: Payot/Rivages.

Debaise, D. (2015). L’appât des possibles. Paris: Presses du réel.

Denis, J. & D. Pontille (2015). Material ordering and the care of things. Science, Technology, & Human Values, 40(3), 338-367.

Denis, J. & D. Pontille (2017). Beyond Breakdown: Exploring Regimes of Maintenance. Continent, 6(1), 13-17.

Domínguez Rubio, F. (2016). On the discrepancy between objects and things. Journal of Material Culture, 21(1), 59-86.

Domínguez Rubio, F. (2014). Preserving the Unpreservable: Docile and Unruly Objects at MoMA. Theory and Society, 43(6), 617-645.

Edensor, T. (2011). Entangled agencies, material networks and repair in a building assemblage: The mutable stone of St Ann’s church, Manchester. Transactions of the Institute of British Geographers, 36(2), 238-252.

Graham, S. & N. Thrift (2007). Out of order: Understanding repair and maintenance. Theory, Culture & Society, 24(3), 1-25.

Haraway, D. (2018). Habiter le trouble. Parentés expérimentales dans le Chthulucene (trad. Thierry Drumm). Vaulx-en-Velin: Éditions des mondes à faire (à paraître).

Hennion, A. & P.A. Vidal-Naquet (2017). Might Constraint be Compatible with Care? Sociology of Health and Illness, 39(5), 741-758.

Hennion, A. (2016). The Work to be Made. An Art of Touching. In B. Latour & C. Leclerc (eds), Reset Modernity! Cambridge: MIT Press, 208-214.

Hennion, A. & C. Sintive (2016). Un cahier qui pourrait s’intituler “Ce qui se passe” à Calais. PUCA/Pérou. [PDF]

Jackson, S. J. (2014). Rethinking repair. In T. Gillespie, P. J. Boczkowski & K. A. Foot (eds), Media technologies – essays on communication, materiality, and society. Cambridge: MIT Press, 221-240.

Latour, B. (2015). Face à Gaïa. Paris: La Découverte.

Macé, M. (2017). Sidérer, considérer. Migrants en France 2017. Paris: Verdier.

Mol, A., I. Moser & A. J. Pols (eds) (2010). Care in Practice: On Tinkering in Clinics, Homes and Farms. Bielefeld: Transcript Verlag

Puig de la Bellacasa, M. (2011). Matters of care in technoscience: Assembling neglected things. Social Studies of Science, 41(1), 85-106.

Puig de la Bellacasa, M. (2012). ‘Nothing comes without its world’: thinking with care. Sociological Review, 60(2), 197-216.

Tsing, A.L. (2017). Le champignon de la fin du monde. Paris: La Découverte.

Yurchak, A. (2015). Bodies of Lenin: The hidden science of communist sovereignty. Representations, 129(1), 116-157.