Pierre-André Juven est docteur en socio-économie de l’innovation de l’École des Mines de Paris. Il a réalisé sa thèse au CSI sous la direction de Vololona Rabeharisoa et a soutenu le 7 octobre 2014. Ses activités de recherche depuis quatre ans ont principalement été focalisées sur la réalisation de cette thèse de doctorat. La thèse étudie la genèse, les usages et les déplacements de plusieurs instruments d’action publique en matière hospitalière : système d’information, calcul de coûts par séjours, instruments d’ajustement budgétaire et système de tarification. En articulant sociologie politique des instruments de gouvernement et sociologie des techniques et de l’innovation, ces dispositifs sont étudiés dans les multiples sites où ils se déploient : ministère de la Santé, agence technique, centres de recherche en gestion, instances d’expertise, fédérations hospitalières, associations de malade et hôpital public. La thèse montre comment ces instruments ont profondément transformé l’hôpital en un être de gestion et de finances. La tarification à l’activité, appelée T2A, tient une place centrale dans ces transformations et est ici analysée comme un instrument de qualcul visant à quantifier et à qualifier les patients, les séjours, les maladies, voire l’hôpital public lui-même. La thèse montre comment ce processus de qualculation génère des controverses métrologiques où des acteurs se saisissent des dispositifs pour refaire les qualculs, ces controverses supposant une forme relativement nouvelle de travail critique.
Pierre-André s’intéresse aujourd’hui aux processus de capitalisation et de financiarisation de la santé. En prenant pour terrain d’étude les politiques publiques en matière de lutte contre lutte contre le cancer, il étudie la façon dont l’argent public est alloué et instrumenté en interrogeant les gouvernementalités singulières à chaque mode de financement. Il conduit parallèlement une recherche sur la mise en faillibilité des structures publiques par les instruments de financement. Il s’agit par là de décrire l’ensemble des processus qui conduisent à des situations de crise et de faillite potentielle, non pas en les analysant comme la conséquence logique et naturelle d’une « mauvaise gestion », mais bien plutôt comme le résultat d’une transformation controversée des instruments de gestion, des modalités de calcul de la valeur et du fonctionnement de ces services publics. La force du régime de faillibilité est que même si la faillite reste une hypothèse, l’existence même de cette probabilité soutenue par des instruments qui la rendent tangible, a pour effet de transformer profondément l’ordre des solutions et des pratiques légitimes de ces institutions publiques.
Pierre-André Juven a enseigné la sociologie des controverses à l’École des Mines ainsi que la science politique à l’Université Paris-Dauphine et l’Université d’Auvergne en tant qu’ATER temps plein.