Le séminaire « Expertises économiques et actions environnementales » accueillera
Isabelle Arpin et Estienne Rodary
Zonage environnemental
Cette séance explorera la conservation de la biodiversité dans les aires protégées (ce que nous appelons « le zonage environnemental »). A quels aménagements du territoire est-ce que cela donne lieu, et à quels dispositifs de production de savoirs ? Quelles valorisation de l’environnement ? Nous accueillons :
Estienne Rodary (UMR SENS [Savoirs environnement, sociétés]) – La conservation, combien de connexions ? Vers un renouveau des politiques de conservation de la biodiversité
Les politiques de conservation de la nature occupent une place particulière dans le champ de l’environnement. Elles ont été parmi les premières mesures de protection mises en place à des époques où la préoccupation écologique était marginale. Mais depuis que l’environnement est devenu un enjeu politique global, elles ont du mal à exister face à d’autres problématiques. Dans le premier cas, la conservation avait été construite comme un secteur spécifique, destiné à protéger des espaces remarquables particuliers. Dans la seconde phase, le secteur de la conservation a tenté de « sortir de sa réserve » et de s’articuler plus largement à l’ensemble des activités humaines ayant un impact sur la biosphère. Différentes mesures et instruments sont témoins de ces tentatives d’ouverture : biodiversité, communs, services écosystémiques, compensation, politiques participatives, outils de priorisation, trames écologiques, etc.
En bref, la conservation est désormais tout entière préoccupée par ses connexions avec le monde. Si l’environnement traverse l’ensemble de la question sociale, quelle place peut ou doit occuper la protection de la biodiversité ? La conférence montrera que le passage d’un intérêt pour l’isolement à une préoccupation pour les connexions défini non seulement les politiques de conservation mais aussi la problématique environnementale. Plus largement, une politique des connexions pourrait constituer un basculement structurel des sociétés modernes dans leurs rapport au monde naturel.
Cette communication sera en large partie tirée de l’ouvrage Rodary E., 2019, L’apartheid et l’animal. Vers une politique de la connectivité, Éditions Wildproject, Marseille.
Isabelle Arpin* (LESSEM, INRAE) – Les aires protégées comme zones frontières. L’exemple d’une zone « strictement protégée à vocation scientifique » : la réserve intégrale du Lauvitel (France)
A l’appui de recherches récentes en histoire des sciences, en histoire de l’environnement, en écologie politique et en philosophie de l’espace, cette communication propose une analyse des zones protégées appréhendées comme zones frontières. Nous définissons les zones frontières comme des zones, i.e. des « portions de la Terre qui diffèrent de ce qui les entoure en raison d’une qualité particulière, mais qui ont la capacité de fonctionner pour et comme un tout » (Etelain, 2023), traversées par différents objectifs. Nous examinons les dispositifs qui contribuent à faire des espaces protégés des zones frontières en associant un objectif de conservation de la nature à d’autres objectifs. Notre réflexion est soutenue par l’étude de cas d’un « espace strictement protégé à vocation scientifique » : celui de la réserve intégrale du Lauvitel dans le parc national des Écrins (France), que nous avons étudiée sur la base d’une analyse documentaire, de deux campagnes d’entretiens approfondis menées en 2011 et 2024, et de l’observation des activités scientifiques qui se déroulent dans la réserve. Nous montrons que plusieurs dispositifs complémentaires contribuent à faire de la réserve une zone strictement protégée à vocation scientifique : un dispositif qui réglemente l’accès à la réserve, opérant principalement le long de ses frontières ; un dispositif qui adapte les activités scientifiques afin qu’au sein de la réserve elles s’alignent sur l’objectif de conservation ; et un dispositif qui permet à la réserve d’exister au-delà de ses limites, et qui passe par à la mise en place d’installations à sa périphérie aussi bien que par les imaginaires de la réserve que l’on y cultive. Nous soulignons que les dispositifs de conservation sont également des dispositifs de composition, qui exploitent et accentuent les différences à travers l’espace. Notre approche des zones protégées en tant que zones frontalières enrichit les études précédentes qui se sont concentrées sur les dispositifs de conservation en tant que moyens de régir la vie humaine et non-humaine.
* Travail effectué avec Quentin Bouchu et Kewan Mertens (CSI)

Isabelle Arpin est sociologue, chargée de recherche au LESSEM (Laboratoire Écosystèmes et Sociétés En Montagne) au centre INRAE de Grenoble. Ses travaux, qui se situent au carrefour de la sociologie de l’environnement et de la sociologie des sciences, s’intéressent aux manières d’étudier et de gérer la nature à l’Anthropocène, et plus particulièrement l’interface entre les scientifiques et les gestionnaires de la nature.
Estienne Rodary est géographe, directeur de recherche à l’UMR SENS (Savoirs environnement, sociétés). Ses travaux portent sur les politiques de conservation de la biodiversité, les aires protégées et l’écologie politique, dans un premier temps en Afrique et plus récemment dans le Pacifique.
Infos et inscription

Date : Vendredi 29 novembre, 11h-13h
Lieu : École des Mines, salle Chevalier
60 boulevard Saint Michel, 75006 Paris
Une transmission par visioconférence / zoom est également prévue. Le lien sera transmis sur inscription juste avant le séminaire.
Le séminaire est ouvert à tous. Pour participer au séminaire, merci de vous inscrire ici.
Contact : Béatrice Cointe, Kewan Mertens ou Alexandre Violle
En savoir plus sur les attendus et le programme du séminaire
Photo sources : Isabelle Arpin, Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Biographie Estienne Rodary, IRD.