Le séminaire « Politiques environnementales du numérique » accueillera
Laura Kocksch
The Techno-Anthroplogy Lab at Aalborg University Copenhagen
Fragile computing:
Directions for developing post-optimistic technologies
On repère facilement les récits optimistes et pessimistes, que ce soit en sciences, en politique ou dans le cadre du débat public, sur les technologies numériques. Selon les uns, ces technologies favorisent le développement, participent d’une veille du changement climatique, sont des facteurs d’optimisation et d’efficacité, et sont dès lors indispensables à la prévention de la dégradation de la planète. Les autres affirment que ces technologies font prévaloir les idéaux occidentaux de progrès, que ce sont des usines à réchauffement et à consommation d’énergie, et que la dépendance de l’humanité à leur égard l’a rendue vulnérable à tout une variété de cyber-attaques.
Ma présentation propose des pistes de développement des technologies numériques à la fois post-optimistes et sans pessimisme. Dans une perspective qui mêle STS et anthropologie environnementale, je soutiens qu’il est possible aux ingénieurs et aux chercheurs en sciences sociales de trouver une inspiration dans des pratiques technologiques frugales, exemptes d’héroïsme. Les technologies numériques ne sont ni des dangers omnipotents, ni de placides compagnes; elles se dégradent, nécessitent de l’attention, sont rafistolées, peu sûres, notoirement rebelles, sources de difficultés et sans cesse défaillantes.
Je présente deux exemples empiriques : les pratiques de cybersécurité dans les petites et moyennes entreprises au Danemark et la réparation des câbles de transmission de données à fibre optique sur les fonds marins lithiques des îles Féroé. Le premier exemple montre comment des entreprises, dont les ressources sont limitées et les technologies vieillissantes, gèrent les constantes attaques et les inquiétudes dans l’un des pays les plus numérisés du monde. Le second exemple traite des infrastructures numériques dans l’Atlantique Nord en tant que matérialité contestée, à la fois en termes de sécurité et de conditions climatiques.
Fragile Computing explore les points sensibles des technologies numériques : les dilemmes entre sécurité et durabilité, robustesse et fluidité, anticipation et disparition. Il n’en ressort ni un espoir naïf, ni défaitisme ; il ne s’agit ni de faire l’éloge des héros locaux, ni de faire honte à ceux qui ne respectent pas les règles. Ce qui en résulte sont des normativités et des théories complexes, fragiles en elles-mêmes, sensibles à plus d’une façon de créer des technologies numériques. Les STS sont le lieu où commencer ce développement de technologies numériques post-optimistes, mais pas sans espoir.
Laura Kocksch est Assistant Professor au laboratoire de techno-anthropologie de l’université d’Aalborg à Copenhague. Elle est l’auteur de “Fragile Computing – How To Live With Insecure Technologies”, une étude ethnographique sur la cybersécurité dans les infrastructures clés. Ses travaux actuels portent sur l’infrastructure numérique dans l’Atlantique Nord soumis au réchauffement (Groenland, Islande et îles Féroé) et sur la cybersécurité dans les petites entreprises et collectivités.
Date : jeudi 16 janvier 2025 de 14h à 16h
Le séminaire est accessible sur inscription et se déroule en visioconférence (sans enregistrement).
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Photo source : Laura Kocksch, Aalborg University Copenhagen.
BigOakFlickr (2015). “Computer Keyboard”. CC BY-SA 2.0