Titre de la thèse : Pratiques de maintenance et fragilités infrastructurelles dans les territoires peu denses
Les recompositions de la responsabilité collective face au vieillissement des voiries communales en France métropolitaine
Sous la direction de Jérôme Denis
La thèse porte sur la gestion collective de la fragilité des infrastructures routières. Depuis plusieurs années, les grandes entreprises de travaux routiers français et leurs partenaires alertent quant au vieillissement du patrimoine infrastructurel. La voirie des petites collectivités locales pose des difficultés particulières, à la suite de la diminution drastique de l’accompagnement technique d’État, au début des années 2010. L’évolution des mobilités, avec par exemple l’essor du vélo, mais aussi la redistribution des trafics de poids lourds liée à l’évolution des activités agricoles et industrielles, donne lieu à des défis supplémentaires.
L’enquête part du travail de mise en politique de nouvelles formes de fragilité infrastructurelle, sous l’impulsion de Routes de France, syndicat national des entreprises routières, et de l’IREX, institut de recherche en génie civil. Ces deux structures, partenaires de la thèse, sont engagées dans un effort de lobbying, mais aussi de recherche en génie civil, pour constituer en problème public la gestion patrimoniale des infrastructures. Cet effort suppose notamment une description des pratiques des collectivités gestionnaires, qui passe par un travail d’enquête dans lequel s’inscrit la thèse. À partir de l’étude d’une série de territoires ruraux, je m’intéresse tout d’abord aux modes de valuation patrimoniale des infrastructures routières, qui conduisent à faire compter différentes formes de fragilité tout en inscrivant les infrastructures dans différentes temporalités. Cette question de la valeur des routes conduit bientôt à se pencher sur les modes de diagnostic. En effet, la connaissance de l’état des infrastructures, formée au service de toute discussion sur les politiques de gestion, prend des formes contrastées selon les techniques, les méthodes, les formes d’attention mises en œuvre, ici abordées dans la lignée des études de maintenance en STS.
Ces axes d’analyse donnent à voir l’infrastructure au cœur d’un environnement matériel et politique complexe, dans lequel les frontières de la route et celles des politiques routières deviennent mouvantes. L’infrastructure routière apparaît comme une interface autour de laquelle s’articulent de multiples débats d’ordre écologique. Les problèmes de responsabilité collective posés par la gestion du vieillissement des voiries – autour notamment de la redistribution des compétences techniques, qui se traduit par des recompositions de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre – prennent alors une autre dimension. Dans la mesure où elle engage des expériences multiples du territoire – celles des populations urbaines et rurales, mais aussi celles d’espèces autres qu’humaines – la construction d’une responsabilité gestionnaire d’infrastructure alimente les débats sur la possibilité d’un sujet collectif dans l’anthropocène, notamment en écho à une littérature écoféministe