Soutenance de thèse de Evan A. Fisher

Evan A. Fisher


soutiendra sa thèse en Sciences, technologies, sociétés


L’humanitaire au présent

Localiser les choix globaux de médecins sans frontières

Humanitarian presence. Locating the global choices of doctors without borders


Thèse en préparation à Paris Sciences et Lettres, dans le cadre de SDOSE Sciences de la Décision, des Organisations, de la Société et de l’Échange, au Centre Sociologie de l’Innovation (UMR 9217), École nationale supérieure des mines (Paris)



Le Lundi 22 juin 2020 à 14:00

à MINES ParisTech, 60 boulevard Saint-Michel 75006 Paris

Salle L109 (20 personnes maximum). La soutenance pourra être suivie en visioconférence


devant un jury composé de :

Laëtitia ATLANI-DUAULTDirectrice de rechercheUniversité Paris Descartes, Université Paris NanterreExaminatrice
Ann H. KELLYAssociate professorKing’s College LondonRapporteure
Antoine HENNIONDirecteur de rechercheMines-ParisTech, PSL UniversitéExaminateur
Monika KRAUSEAssociate professorLondon School of EconomicsExaminatrice
Jean-Hervé BRADOLMédecin, Directeur d’étudesMédecins sans frontières (CRASH)Examinateur
Fanny CHABROLChargée de rechercheUniversité Paris DescartesExaminatrice
Nicolas DODIERDirecteur d’étudesEHESSRapporteur

Directeur de thèse : Antoine HENNION

 Résumé de la thèse

Cette thèse constitue une monographie de l’organisation non gouvernementale Médecins Sans Frontières. Son matériel de base est une enquête ethnographique menée sur les opérations de cette ONG médicale humanitaire au moment même où elles se déroulent. En observant les membres de MSF en train de proposer des soins médicaux aux migrants dormant dans les rues à Paris ou aux habitants d’un bidonville à Nairobi, ou en train d’évaluer et de planifier leurs projets depuis le siège, nous les voyons bricoler pour faire tenir ensemble les objectifs parfois incompatibles d’une mission humanitaire en apparence simple : l’assistance médicale à des personnes vulnérables à travers le monde. Notre approche pragmatiste nous invite à prendre au sérieux dans l’analyse le fait que c’est l’aide humanitaire elle-même qui doit faire tenir ensemble en situation les ambiguïtés, les ambivalences ou même les contradictions d’une telle mission, tant dans ses projets et ses actions que dans ses effets ambivalents.
Pour ce faire, nous nous sommes demandé comment procède MSF pour sélectionner celles et ceux qu’elle cherche à aider autour du monde. Pour répondre, nous avons produit une description fine de l’instrumentation du triage : les processus d’élaboration et l’usage des outils qui soutiennent le choix réflexif des bénéficiaires autour du globe. Nous proposons pour cela trois gestes analytiques, qui nous permettent de contribuer aux discussions actuelles sur la globalité en anthropologie : assemblages globaux, espaces globaux, santé globale. D’abord, nous montrons comment le tracé de frontières, de territoires, d’échelles que ces instruments de triage ne cessent de produire participe à la distribution de lieux humanitaires : l’espace humanitaire, le terrain, les plateformes médicales, le siège de MSF. Ensuite, en faisant porter l’analyse sur la façon dont les instruments de triage débouchent sur une mise en « scripts » ou en scénarios de ceux que les humanitaires prétendent aider, nous montrons comment MSF acquiert la capacité d’agir spécifiquement dans ses relations avec les bénéficiaires humanitaires : tact et tactiques du care, reconnaissance réciproque des bénéficiaires dans leur besoin d’aide et des humanitaires dans leur besoin d’aider, acceptabilité d’une responsabilité envers cette vulnérabilité associée dans le même temps à la tentative de transférer cette responsabilité vers des systèmes des santé publics. Enfin, en rendant compte de ces instruments en termes de technologies humanitaires d’intervention, nous mettons en évidence la façon dont MSF opère des interventions ponctuelles tant dans les organes de gouvernement que dans les corps des gouvernés. Notre description de l’aide en train de se faire et notre analyse des problèmes associés aux lieux, aux bénéficiaires et aux technologies d’intervention humanitaires constituent ce que nous appelons l’aide humanitaire au présent. Par aide humanitaire au présent, nous désignons les manières d’exister de MSF, son extension physique globale, les soins de santé qu’elle accomplit, sa politique non gouvernementale et son éthique de l’attention. Sur ce concept peut se soutenir une approche critique positive de l’aide humanitaire, considérant à la fois la pluralité et l’incompatibilité des bénéfices qu’elle est censée apporter, mais aussi les cas et les instances précis où MSF a échoué à les faire tenir ensemble.

Summary of the thesis

 This dissertation is a monograph of the nongovernmental organisation (NGO) Doctors Without Borders (MSF). It is based on an ethnographic inquiry into the operations of this medical humanitarian NGO as they take place. Observing members of MSF providing healthcare to migrants in Paris and to inhabitants of a slum in Nairobi, evaluating and planning projects in their headquarters, we see them tinker together the sometimes-incompatible goals of a seemingly simple humanitarian mission: medical assistance to the vulnerable around the world. Our pragmatist approach consists in arguing that analysis of international aid must account for how humanitarians find a way to hold together the ambiguities, and even the contradictions, of this claimed mission in the ambivalent effects humanitarian aid in practice.
To this end, we ask how MSF selects those it seeks to assist around the world. Our response entails close description of the instrumentation of triage: the problematic processes of elaborating and using tools that support the reflexive choice of beneficiaries around the globe. We then make three analytical gestures, allowing us to contribute to ongoing discussions in anthropology on global assemblages, global spaces, and global health. First, we show how the processes of bordering, territorializing, and scaling that triage instruments support, participate in producing humanitarian locations: humanitarian space, the field, medical platforms, and headquarters. Second, analysing the ways triage instruments script for those humanitarians claim to assist, we argue that MSF gains humanitarian agency in the ways it relates to humanitarian beneficiaries: the tact and tactics of care, the reciprocal recognition of beneficiaries in their need and of MSF’s need to help, the acceptance of responsibility for this vulnerability coupled with an attempt to transfer responsibility to public health care systems. Third, accounting for these instruments in terms of humanitarian technologies of intervention, we demonstrate how MSF makes timely interventions into governing bodies and the bodies of the governed. Together, our description of aid as it takes place and our analysis of the problems associated with humanitarian locations, beneficiaries, and technologies of intervention constitute what we call MSF’s humanitarian presence. This humanitarian presence indicates the ways MSF exists, in their global physical extension, in the health care they practice, in their nongovernmental politics and their ethics of attention. This concept supports critique by indicating, first, the multiple and incompatible goods that are to inhere in humanitarian aid, and second, those specific instances when MSF has failed to do so.